Moi, j’ai têté Dumas avec le lait, dans mon biberon. Alors Rostand ??? Ah, mais c’est de la gnognotte, ça !! Son Cyrano n’arrive pas à la cheville de mon D’Artagnan, de plus il n’est même pas Gascon !
Puis, un jour, dans un train, je me suis laissée tenter par le livre qui me faisait de l’œil depuis plusieurs semaines (oui, chez moi les livres font de l’œil. C’est comme ça. Faut l’accepter ou me prendre pour une folle). Le premier acte m’a fait sourire. Mordious, même d’Artagnan mon ami d’enfance apparaissait au détour d’une tirade !!
Le dernier acte m’a fait pleurer. Aux derniers mots de Cyrano Savinien-Hercule de Bergerac « mon panache », je retenais à grand peine mes sanglots. Les voisins étaient étonnés, je m’en fichais comme de ma première rapière.
La trame en elle même est très simple. Un homme à l'appendice nasal surdéveloppé est amoureux de sa cousine. Le Verbe est son esclave, mais il n'est point beau. Alors il offrira cette poésie de l'âme à Christian, un beau cadet, pour conquérir la charmante Roxane. Il sera l'ombre, Christian la lumière.
Comment évoquer la verve de Cyrano, son courage, son abnégation ? Oui, depuis l’enfance on nous serine les beaux amours de Roméo et de Juliette. Je ne dis pas non, remarquez. Mais à mes yeux l'homme au nez trop grand a quelque chose de plus. Ce panache justement, plus marquant encore que ce nez dont tout le monde parle. Rostand l’a ressuscité, magnifié, offert une immortalité de gloire et de verve.
Lorsqu’on parle de ce livre, c’est la tirade du nez qui sort en premier. Certes le noble appendice méritait un éloge à sa taille. Mais la
« Ballade du duel qu’en l’hôtel bourguignon
Monsieur de Bergerac eut avec un belitre ! »
N’est elle pas aussi truculente ?
Nécessairement il y a aussi la célèbre déclaration d’amour, ou l’ombre d’un balcon envahi de lierre parviendrait presque à éclipser celui des amants de Vérone. Et puis je terminerai cette évocation de scènes par celle qui me toucha le plus : Le poète nous offre six moyens d’atteindre la lune. Pour une rêveuse, c’est du pain bénis.
Cyrano, c’est le courage souriant, c’est le bretteur dont la lame est aussi aiguisée que l’esprit. Avec de telles armes, il touche. Au cœur.