Antigone de Jean Anouilh

Au detour d'un cours de premiere sur le prologue au théâtre, ma bien aimée prozacée omnisciente de francais pesta en citant le nom de l'écrivain sus-cité, ne sachant trop que faire de ce h importun. Ni une ni deux, ma curiosité et mon ennui péréclité me titillèrent en apercevant la dite chose couleur citrouille fuca dans les rayons fraternels.
Que dire de plus?
Les larmes de soulagement de lire sa peine si magnifiquement et simplement exprimée, les relectures innombrables a des heures indues, et le plaisir sous d'autres tonalités à chaque fois décliné, l'ombre qui hanta mes copies de phiolosophie de l'intégralité de mon année de terminale, les passages en provenance directe du coeur qui resortent aux beaux jours, et aux moins beaux, la marque indélébile, la petite brique orange indestructible qui repose tout au fond de moi, signe de mes candeurs fanées, d'une révolte et d'un tourment jamais dépassés, intact noyau dur.
De ceux qui construisent et fortifient les êtres.

A lire et relire, a écrire et réécrire, a maudir, a prédire, a saisir, a gemir, avenir.

Quelle belle pièce !

Antigone est absolue, trop absolue sans doute, mais qu'est ce que c'est beau ! Elle est dure face à Créon, entière face aux concessions, touchante et horripilante.

A moi, elle me donne tout à la fois l'envie de la giffler et de l'applaudir. C'est d'ailleurs ce que je fais, à la fin de la pièce, applaudir les acteurs.

J'aime quand elle dit aimer la vie, quand elle parle de ces petits instants qu'elle vole à l'aube, pour vivre un peu plus.
J'aime aussi quand elle donne sa définition du bonheur... Quand elle ne veut pas d'un "petit bout de bonheur".

Evidemment, il aurait fallu lui apprendre à voir autrement à elle qui ne voit qu'un petit bout de bonheur aux endroits ou il est entier. Changer la perspective pour voir les choses autrements.
Mais en ce cas, il n'y aurait plus eu de tragédie.

Or c'est ce qui est beau, dans la tragédie. Ce côté inéluctable, cette fatalité qui s'approche et dévaste tout. Ils sont beaux, tous ces héros, flamboyants et pathétiques tout à la fois. Puis ils disparaissent et l'on se rend compte de leur inutilité.
Ils se sont consumés... Mais qu'ont ils changés ?

Dans cette pièce, j'ai toujours été fascinée par le choeur, que ce soit au début de la pièce ou à la fin. Les dernières lignes sont effrayantes, montrant l'inutilité de la démarche d'Antigone

"Il ne reste plus que les gardes. Eux, tout ça, cela leur est égal ; c'est pas leurs oignons. Ils continuent à jouer aux cartes..."

Oh oui elle est difficile, exigeante. Je pense à elle à chaque fois que les moches compromis viennent salir mon quotidien, je pense a elle et j'essaie de rester le plus pres possible de ce que je pense et ce que j'aime.
Mais oui, elle n'avait aucune chance. On ne peut pas rester totalement intact et innocent. On se mouille, on se salit, on souffre toujours, mais ce qui vient apres peut en valoir la peine. L'arc en ciel apres la tempete, la saveur des moments uniques dans le marasme de la vie.
C'est facile et c'est dur en meme temps une telle fermeté d'âme. Je l'envie et la plains en même temps. Cela dépend des jours et de mon courage.

Antigone ne m'a pas laissé un souvenir impérissable.
En fait, le seul qu'elle m'ait laissé est le 17 à l'oral du bac de français, alors que j'avais fait l'impasse dessus pendant mes révisions.

Il y a un extrait de cette pièce que je lis, relis et cultive ... je le relis chaque fois qu'on me reproche mon caractère entier pour y puiser de la compréhension ... je le relis chaque fois que j'aurai envie de baisser le bras pour me donner du courage ... je le relis par pur plaisir : je m'autorise à le placer ici ( si la citation pose un pb j'éditerai et enlèverai )

"Vous me dégoutez tous avec votre bonheur! Avec votre vie qu'il faut aimer coûte que coûte. On dirait des chiens qui lèchent tout ce qu'ils trouvent. Et cette petite chance pour tous les jours si on est pas trop exigeant. Moi, je veux tout, tout de suite, - et que ce soit entier - ou alors je refuse! Je ne veux pas être modeste, moi, et me contenter d'un petit morceau si j'ai été bien sage. Je veux être sûre de tout aujourd'hui et que cela soit aussi beau que quand j'étais petite - ou mourir."

Huhu.

Dis toi que j'ai casé cette citation dans la bonne moitié de mes disserts de philo de cette année, y compris celle du bac. Luv'it.